Donner une voix et des voies à ces jeunes récemment arrivés en France qui ont devant eux une vie nouvelle qui s’ouvre et qu’ils doivent apprivoiser »
Auteurs Solidaires a souhaité proposer le dispositif Raconte-moi ta vie ! à la Ville de Sarcelles en l’adaptant pour un groupe d’élèves allophones nouvellement arrivés en France. En partenariat avec la Caisse des Écoles et la Ville de Sarcelles dans le cadre du Programme de Réussite Educative, Auteurs Solidaires a lancé en Octobre 2017 Raconte-moi ta vie! au Collège Voltaire de Sarcelles, auprès d’élèves accueillis en classe UPE2A (Unité pour Élèves Allophones Arrivants) dont l’objectif essentiel est l’apprentissage et la maîtrise du français.
Quelle est l’histoire personnelle de ces jeunes migrants ? Qu’attendent-ils du pays qui les accueille ? Comment comprendre les codes de la société française et y trouver sa place ?
A l’échelle de ces jeunes nouvellement arrivés en France, faire de leur histoire une fiction, partager collectivement les épreuves traversées, raconter leur histoire et celle de leur famille, faire tout simplement de leur vécu personnel une oeuvre, leur permettra de mieux appréhender le présent, de dépasser la souffrance inhérente à tout exil, de trouver un exutoire artistique et salutaire pour mieux se comprendre et pouvoir ainsi apprivoiser leur nouvelle vie. A travers ce projet, il s’agissait également de montrer à ces nouveaux arrivants que leur histoire et celle de leur famille nous importent : les accueillir c’est être conscient que leur vie n’a pas commencé à leur arrivée en France.
Comment ces jeunes se projettent-ils en France ?
Ce point de vue singulier sur la France d’aujourd’hui apporte un éclairage tant sur cette terre d’accueil rêvée que sur la confrontation avec la réalité et les conditions d’accueil sur notre territoire.
Une approche de leur situation par l’acte de création leur permet d’accéder à un point de vue inhabituel sur eux-mêmes et d’initier un partage entre tous. Si le cadre législatif, les dispositifs administratifs et sociaux sont primordiaux pour stabiliser leurs vies nouvelles, le partage d’expériences de création, lui, peut leur offrir un appui supplémentaire pour réintroduire les notions de liberté et d’échange, importants pour leur devenir, tout en préservant un chemin entre avenir et racines.
Deux auteurs professionnels
issus des répertoires de l’audiovisuel et du spectacle vivant 2 auteurs encadrent, en collaboration avec deux enseignantes, les 70 heures d’ateliers :
- Simon Diard
Simon Diard écrit pour le théâtre. Il est publié dans la collection Tapuscrit de Théâtre Ouvert, Centre National des Dramaturgies Contemporaines. Cette saison 2017-2018, La Fusillade sur une plage d’Allemagne est créé par Marc Lainé à Théâtre Ouvert puis au Théâtre National de Strasbourg, et Paranoid Paul (Fou stupid little dreamer) est sélectionné pour concourir au Prix des lycéens Bernard-Marie Koltès. - Florent GOUELOU
Florent GOUELOU, réalisateur et comédien, s’est formé au jeu d’acteur à la Comédie de St Étienne puis à la réalisation à la Fémis. En 2015, il réalise Une Histoire commune, documentaire sur les répercussions de la Guerre d’Algérie dans sa famille, et en 2017 Un Homme mon fils, road-movie normand entre un père et son fils. Il est actuellement en écriture de son premier long métrage et réalise un docurnentaire pour l’association de prévention contre le sida AREMEDIA.
Les différentes étapes du projet
70 heures d’atelier réparties sur l’année scolaire 2017/2018, à raison d’une séance de 2 heures par semaine.
- 1ère étape (octobre) : sensibiliser les jeunes à la création artistique par l’approche et la découverte de tableaux, photos, textes, films et spectacles. Trois sorties ont été organisées : la Villette (visite et spectacle), la Femis (visite rencontre avec des étudiants et projection), les théâtres de la Cartoucherie de Vincennes (visites et spectacle). Plus un Pass Culturel pour assister aux spectacles proposés par la ville de Sarcelles.
- 2ème étape : Raconter sa propre histoire. Les élèves ont effectué un travail individuel et choisi de livrer et de raconter aux autres ce qu’ils souhaitaient de leur histoire personnelle. Ils sont aussi partis en quête de témoignages de leurs proches. Pour les jeunes ne pouvant pas à ce stade s’exprimer ou écrire en français, les récits ont été traduits et retranscrits. A la fin de l’année scolaire, et à l’issue de cette action qui s’est ajoutée au travail fait par l’enseignante de la classe UPE2A, tous les élèves parlaient le français et ont obtenu le certificat de langue française (DELF) qui est une reconnaissance des acquis de ces élèves dont la langue maternelle n’est pas le français.
- 3ème étape : Mise en commun des documents. Dans le respect de l’intimité de chacun, les jeunes ont partagé leurs récits avec l’ensemble du groupe, totalement ou en partie selon leurs souhaits.
- 4ème étape : Réflexion collective sur le choix de la mise en forme de la création partagée. A cette étape la forme choisie par les jeunes et les auteurs a été celle d’une création mixte mêlant le spectacle vivant et l’audiovisuel.
- 5ème étape : Aboutir à une création audiovisuelle : à partir de l’ensemble des récits racontés et recueillis, les élèves ont créé des matériaux (textes, images, sons…) pour élaborer un spectacle où fiction et réalité se répondaient.
- 6ème étape (juin) : Restitution publique de la création le 20 juin 2018 à la salle André Malraux de Sarcelles. Un spectacle construit comme une série de portraits sur le fil entre réel et imaginaire. Le dispositif scénique était celui d’une conférence, grande table en fond de scène et écrans de retransmission. Chaque élève était à la fois lui-même et un personnage inventé. Par bribes des histoires reviennent, des souvenirs remontent et chacun apparaît tel qu’il est mais aussi tel qu’il se rêve : jeunes du monde entier devenus le temps d’un soir super- héros/héroïnes venant partager leurs espoirs et leur force de vie !